Un grand homme, Michel Boisvert.

Il paraît que trois années sont suffisantes pour guérir de la dépression. Trois longues années, à 26ans c'est une éternité. Le plus difficile aura été de tout perdre. Mon groupe de musique, ma sécurité et mon travail. Tout cela agrémenté d'une déception amoureuse et d'une obligation de refaire face à ma relation paternelle... bref je n'avais aucun lien avec la vie à ce moment. Sauf mes amis qui m'ont été d'un grand secours.

Mon travail était pour moi le plus gros morceau de ma vie. Je travaillais pour un OSBL qui propose des moyens aux jeunes vivant toutes sortes de difficultés, la rue en particulier, moyens adaptés à tous les cheminement parce que le cheminement se doit d'être respecter. Et mon domaine à moi c'était les arts, que demander de mieux. (Les Oeuvres de la Maison Dauphine fondée il y a maintenant 15ans par  le père Michel Boisvert, mon employeur, est situé dans le Vieux Québec.)
Lorsqu'on travail dans le social, il y a toujours danger de se perdre dans la cause. En ce qui me concerne, je ne jouais pas nécessairement les héros avec les jeunes mais j'avais plutôt l'impression de participer à une entreprise d'envergure, j'avais dans la tête plein de projets pour Créateurs de rue et pour la Dauphine.

Créateurs de rue, le programme pour lequel je travaillais, était pour moi une manifestation de l'être humain par l'art, encore incomplète il faut le dire puisque faute de financement récurent il nous fallait toujours recommencer à zéro ou presque. Ce travail m'a ammené en europe à deux reprise et m'a fait découvrir sur moi-même, beaucoup plus que je ne pourrais encore le croire. J'avais la nette impression de participer à quelqu'oeuvre divine puisque la création dans un milieu comme la rue relève du miracle. Mais après tout les lotus ne poussent-ils pas dans la boue?

La dépression a suivi le non renouvellement de mon contrat. Je me souviens que Michel m'a annoncé que je terminais avec beaucoup de peine mais tout de même, il savait ce qu'il faisait.

«Nous avons discuté au comité de direction pour te garder mais nous croyons que, pour toi, il vaudrait mieux que tu ne restes pas ici. Tu es encore jeune et tu peux faire plus.» Et il m'a ensuite offert une aide inestimable pour un éventuel retour à l'école. Il n'était pas seulement un patron, mais aussi un jésuite inspiré par Saint Ignace de Loyolla (emprisonné à trois reprises par le tribunal de l'Inquisition et libéré à toutes les fois). Il avait un travail dans la vie, se dévouer à Dieu et surtout travailler et travailler encore pour Lui, être un soldat de la compagnie de Jésus, agir sur le monde pour qu'il soit meilleur.

Je n'ai jamais eu de bonnes relations avec l'Église mais cet homme était au dessus de tout cela. Il a choisi de faire sa vie comme jésuite, et je le respecte pour s'y être attaché jusqu'à la fin. Et je le
respecte encore plus d'avoir su voir que nos croyances en la Déesse se racordait aux
siennes, au-delà de l'Église. Je crois même qu'il aura douté peut-être de la rigeur de l'Église envers les autres croyances. Il aura intégré notre symbolique païennes à son rituel de la St-Patrick, nous permettant de célébrer Ostara en plein coeur du rite catholique, dans sa chapelle... J'ai été couronnée en tant que la Déesse qui renait à la vie après l'hiver par le célébrant jésuite, le Provincial des Jésuites venu chez nous pour l'occasion. Et l'assistance aura pu entendre ma prière païenne en plein Église, et dans la paix en plus! Le pape nous aurait fait brûler sur le bûcher il y a tout juste 200ans!

Pour tout ce qu'il a créé, pour avoir embelli le paysage de ma ville en misant sur la richesse de la marginalité, voilà un homme qu mérite qu'on se souvienne de sa vie.

AnnSarah

Comments

[luk]

J'apprends par hasard le deces de Michel Boisvert. D'apres la biblio nationale il etait ne en 44, donc relativement jeune. Que s'est -il passe, d'apres toi? Je crois avoir vu dans un bulletin du college Brebeuf qu'il avait fait des etudes poussees en physique. serait-ce bien lui?